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     Antoine fut de son vivant quincaillier dans le petit bourg de Ponts-sur-Mer. Sa quincaillerie lui venait de son grand-père, une belle enseigne, façade bleue, grandes vitres derrière lesquelles l’on peut apercevoir toutes sortes d’objets, de cordages, de boîtes, de meubles à tiroirs, le tout étiqueté et répertorié dans un registre pour pouvoir tout retrouver facilement.

     Que vous ayez eu besoin d’une vis, d’une paire de ciseaux à cranter, d’un filet à crevettes, d’une bougie, d’une chaudière, d’une pièce introuvable pour réparer la porte du placard de la salle de bain qui allait bientôt choir sur la tête de votre petit dernier, vous pouviez tout demander à Antoine.Tout demander à Antoine, oui ! Et même plus : il avait cette faculté toute particulière, et très appréciée, d’être un confident discret, "une tombe".

        À l’heure où les petits magasins fermaient parce que les supermarchés ouvraient,

la quincaillerie d’Antoine ne fit point faillite, dans le bourg de Ponts-sur-Mer, car chacun des habitants avait trouvé l’excuse d’une petite chose à acheter afin de pouvoir alléger le poids de son cœur. En toute discrétion.

     Dans les tiroirs de sa quincaillerie, pendant de nombreuses années, s’entreposèrent des boîtes, des lettres, des objets que chacun voulait conserver précieusement ou soustraire aux regards indiscrets. Antoine était devenu bien malgré lui le dépositaire des secrets des habitants de sa petite ville, à la fois curé et coffre-fort.

     Mais toute chose à une fin, comme dit l’autre… Le jour où Antoine a senti qu’il n'allait pas se réveiller au matin, à cause de ses fichues douleurs dans la poitrine, il a respiré aussi tranquillement qu’il a pu et il s’est mis à rédiger son testament.

     Et là, en ce mois de février, dans la salle communale où il fait un froid glacial, tous les habitants de Ponts-sur-Mer sont réunis par le notaire pour entendre la lecture du  testament d’Antoine...

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